Je suis issue d’un milieu ouvrier mais avec une mère férue de livres qui dévore aussi bien Hugo, Zola, Flaubert, Colette que San Antonio ou les brigades mondaines. Elle me transmet son goût de la lecture et je pioche dans la bibliothèque au gré de mes envies. Je côtoie aussi bien les grands écrivains qu’une littérature dite de « hall de gare ». Adolescente, j’envisageais après ma 3ème (BEPC en poche) de m’orienter vers une seconde littéraire dans le but d’accéder à une école de journalisme ou de devenir professeur de français. Pour des raisons familiales, je n’ai pu réaliser mon rêve et garderai en moi cette frustration de ne pas avoir pu continuer mes études.J’enchaine différents petits boulots, extra en restauration, garde d’enfants à domicile, travail en usine… durant à peu près quatre années.Puis, j’envisage de fonder une famille et priorise l’éducation de mes enfants jusqu’à leur entrée à l’école, mes deux ainés.
Lorsque j’ai 25 ans, je souhaite reprendre une activité professionnelle et m’oriente plus particulièrement vers le secteur médico-social. En effet, je suis sensibilisée par différentes lectures et par des personnes en situation de handicap que j’ai l’occasion de rencontrer. Je perçois que je peux être utile.Je me renseigne sur les différents métiers du médico-social. N’ayant pas le bac à Lauréat, je fus souvent découragée « sans le bac, tu n’y arriveras pas ! ».
Je décide alors de m’engager dans différentes formations de remise à niveau. C’est à cette époque qu’une revanche sur le passé s’installe en moi.
Dans un premier temps, en 1985, à la MPS (Maison de la promotion Sociale) à Artigues où j’ai repris certaines bases en français notamment, durant une année.
Puis, en 1986, lors de modules au CPVA (Centre de Préparation à la Vie Active), j’aborde les différentes techniques de recherches d’emploi, apprends à travailler en groupe et effectue un stage pratique en tant que commis de cuisine au CSES (Centre de Soins et d’Education Spécialisée) Alfred Peyrelongue à Ambares qui accueille des jeunes déficients visuels. Cette expérience m’a confortée dans mon choix professionnel. En parallèle à tout cela, je me suis passionnée de lectures en lien avec les personnes vulnérables telles que Howard Buten, Valérie Valère, Torey Haden, Les Noces Barbares de Yan Quéfellec…Ces ouvrages me permettent de découvrir les conditions de vie de personnes vulnérables, handicapées ou maltraitées.
Enfin, en 1988, je me suis inscrite à une formation (groupe pilote) INSERMEDIA où je suis prise au sérieux et les professionnels me soutiennent dans mon projet qui s’avère, malgré tout, relativement complexe. Durant cette période, je réalise une immersion de plusieurs mois à la clinique Bel Air à Mérignac en tant que commis de cuisine et ASH (Agent de Service Hospitalier). Ces deux fonctions comblent mes envies d’être en relation (professionnels, patients, familles) et satisfont aussi mon plaisir de cuisiner. Je travaille en coupure avec une pause de quatre heures l’après-midi. La directrice me propose un contrat sur ce temps-là, chose que j’accepte. Cela s’enchaine et mon stage se transforme en CDD. Grace à ces activités diverses, j’apprends différentes techniques culinaires (quantité, organisation, équilibre alimentaire, notions d’hygiène et de sécurité…, et développe l’esprit d’équipe, l’entraide, la solidarité, l’empathie). Autodidacte, j’apprends le métier sur le terrain, briefée par un professionnel passionné par son art. Somme toute, j’apprécie de prendre soin des malades, d’assumer des responsabilités, d’accompagner les familles au quotidien et ce jusqu’à la mort de leur parent, de découvrir certaines pathologies et de me remettre en question…mais surtout d’ajuster ma posture professionnelle.
Plusieurs mois après, une formatrice d’Insermédia me contacte et m’informe qu’un établissement médico-social ouvre sur Bordeaux et qu’il recrute une personne pour faire fonction de cuisinière. Ce foyer occupationnel accueille des jeunes adultes déficients intellectuels. Mes missions sont de « faire à manger avec et pour les personnes handicapées ». Je postule donc à cet emploi en ayant des craintes de perdre celui que j’ai, mais qui est malgré tout précaire. Durant un an, afin d’assurer mes arrières, je travaille la semaine dans ce centre et les week-end et les vacances à la clinique. Je choisis de rester dans la structure car c’est l’occasion que j’attendais.
Pendant deux ans, je découvre les différentes formes de handicaps mentaux, l’intérêt de la communication professionnelle, et mets en place des repas pour 40 personnes avec le souci de « bien faire à manger ». Je réalise deux immersions : dans un lieu d’accueil pour personnes déficientes visuelles et aveugles et dans un Institut de Rééducation accueillant des enfants ayant des troubles du comportement. Cependant, je constate des manques théoriques et pratiques. Je négocie avec mon employeur de partir en formation de monitrice éducatrice, en cours d’emploi (2 ans).
Avec l’obtention du CAFME (Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Moniteur Educateur), enfin un vrai diplôme en 1992, je structure mon atelier, j’appréhende mieux les handicaps, prends plus d’assurance et d’affirmation avec mes collègues, je me sens plus légitime, comprends les enjeux du travail en équipe et repère les fonctionnements d’une dynamique de groupe…D’autres lectures viennent compléter mes savoirs : Françoise Dolto, Freud, Didier Anzieu…
J’exerce durant dix ans dans ces conditions, néanmoins, je souhaite développer mes actions et activités, individualiser mes accompagnements socio-professionnels, affiner ma collaboration au sein d’un groupe et comprendre l’implication des lois dans notre structure (arrivée de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale).
Lors d’un entretien annuel individuel avec ma hiérarchie en 2000, j’émets le désir d’entrer en formation d’Educatrice Technique Spécialisée (ETS) (3 ans en cours d’emploi). Cette expérience me permet de réaliser trois stages pratiques que j’effectue en ESAT (Etablissement et Service d’Aide au Travail) dans un restaurant d’application, à l’hôpital psychiatrique de Cadillac et en SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) au collège de Blaye en Hygiène, Alimentation Service. Je rencontre des pédagogues qui marqueront mon parcours et je découvre les concepts de la didactique qui m’amèneront à adapter et à ajuster mes outils et mon approche. Les termes de zone proximale de développement de Vigotski et de dévolution de Brousseau font désormais partie de mon vocabulaire.
En 2004, mon CAFETS (Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Educateur Technique : niveau Bac+2) obtenu et majore de promo, je professionnalise mon atelier, développe des activités de soutien et de technologie, crée des outils tels que des grilles d’observation, grilles d’évaluation, fiches techniques adaptées au public... et appréhende d’autres handicaps : psychique, visuel et auditif. Je prends plaisir à transmettre mes savoirs et mes savoirs faire. Je développe le partenariat et je mets en place des projets : repas et soirées avec les partenaires de terrain (lieux de stages, foyers de jeunes travailleurs, centres de formations, autres structures médico-sociales, voisinage et commerces de proximité…), familles et usagers dans le but de nous rencontrer dans un autre contexte que celui de l’éducatif et du pédagogique. Valorisée par la réussite de ces expériences, je réalise des repas gastronomiques avec les financeurs et décideurs (MDPH, Conseil Départemental…) afin de montrer que toute personne en situation de handicap a des compétences et capacités. En outre, je participe à la mise en œuvre de séjours à l’étranger en m’impliquant sur diverses idées : voyage d’étude au Québec avec les jeunes, loisirs adaptés en Corse, découverte aux Baléares et autres camps en France (Paris, Bassin d’Arcachon, Futuroscope, Venise verte, Ariège…, à raison de trois par an. La liberté de créativité qui m’est offerte me permet d’instaurer des tutorats d’intégration en m’appuyant sur l’évolution des politiques sociales (loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées). Je me déplace dans les entreprises à même d’embaucher ces jeunes afin de les sensibiliser au handicap et leurs donner des outils en termes d’approche, de compréhension et de réaction. L’objectif est d’assurer l’avenir socio-professionnel des bénéficiaires. Pour rendre mon atelier plus technique et dans les normes d’hygiène légales, je me forme à la méthode HACCP et la met en application en l’adaptant aux jeunes en situation de handicap. Puis, afin d’être plus efficiente dans ma relation avec les familles, je participe à une sensibilisation sur la systémie qui me permettra d’ajuster mes rapports avec les familles et de mieux les inscrire dans l’accompagnement de leur enfant. Accueillant des jeunes sourds ou malentendants, souffrant de déficience intellectuelle, je me forme à la LSF (Langue des Signes Française) afin de limiter la barrière du langage et de développer d’autres moyens de communication. Je ferai trois niveaux qui me serviront plus tard pour l’accueil de jeunes autistes.
Je fais une petite pause personnelle dans cet enchainement d’évolution professionnelle et me consacre à ma famille et donne naissance à mon troisième enfant.
En parallèle à mes précédentes fonctions, j’interviens sur des temps de cours à l’IRTS de Talence sur différentes formations (Aide Médico Psychologique, Moniteur Educateur, Educateur Technique Spécialisé). Je me forme à la Validation des Acquis de l’expérience et accompagne des stagiaires sur ces parcours. Je complète mes connaissances par quelques livres tels que Carl Rogers, Joseph Rouzel, Boris Cyrulnick, Philippe Meirieu, Jean Oussaye, Michel Lemay et bien d’autres…je participe aussi aux sélections et jurys, certifications de terrain et visites de stages.
En 2008, la hiérarchie de l’établissement me propose dans le cadre du développement de mes compétences d’effectuer la formation de CAFERUIS (Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Encadrement et de Responsable d’Unité d’Intervention Sociale), sur une période de 18 mois en cours d’emploi, sachant qu’il n’y aura pas de poste pour moi au sein de ma structure trop petite J’ai quand même, l’intention de développer mes savoirs sur la gestion d’équipe et de conflits, de mieux appréhender les enjeux d’un établissement médico-social, de comprendre ce qu’est une expertise technique et son intérêt. J’étends mes capacités managériales, rencontre et m’enrichis auprès des personnes travaillant dans des services différents, je perçois l’ampleur du travail demandé à un responsable et le rôle particulier qu’il a dans une structure, rôle de pivot et d’interface entre les équipes et la direction. J’effectue dans un premier temps mon stage dans un ESAT à mi-temps et dans un foyer d’hébergement d’ouvriers d’ESAT sur l’autre partie. Je participe à la mise en place de l’évaluation interne et aux outils de la communication professionnelle. Sur la seconde période de mon immersion, ma convention devient un CDD de remplacement suite à la démission de la cheffe de service. J’obtiens cette certification et continue d’exercer comme éducatrice technique spécialisée dans la structure où j’exerce depuis 24 ans. J’accède à d’autres ouvrages dont les auteurs sont : Philippe Lefevre, Jean-René Loubat, Daniel Gacoin, Laforcade Michel…afin de parfaire ma culture professionnelle. La revanche sur le passé est de mise avec ce niveau Bac+4.
Des soucis de santé me font envisager une reconversion professionnelle. Je développe donc mes interventions à l’IRTS sur d’autres filières. Le métier de formateur m’intéresse de plus en plus et trouve dans cette expérience des éléments identiques à ceux des fonctions d’éducateur comme la transmission des savoirs, le relationnel, le management de groupe etc…Une opportunité se présente à moi. En effet, la fille d’une amie souffre de phobie scolaire et sociale. Connaissant bien cette jeune avec qui j’ai une relation privilégiée, sa mère me demande si je veux bien l’accompagner dans une scolarisation (classe 5ème) à la maison. Je me renseigne auprès de l’académie Nationale, contacte le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) pour obtenir des supports pédagogiques et accepte sa proposition. Durant une année, je varie mon approche et m’appuie sur différents pédagogues : Freinet, Decroly… et plus particulièrement sur la pédagogie active. Cette expérience fut pleine d’enseignements humains, pédagogiques et éducatifs.
Puis lors d’un jury au Rectorat, je rencontre une personne intéressée par mon parcours et elle me propose un poste de professeur technique Hygiène Alimentation Service pour une classe de 4ème et de 3ème. J’exerce pendant plusieurs mois ; je créée un restaurant d’application en interne, en ne faisant que de la récupération de meubles au sein du collège. J’obtiens un budget et fédère les jeunes autour de ce projet. L’objectif est de donner le choix aux élèves d’inviter à leur table et de faire déguster aux personnes qu’ils ont choisies (professeurs, parents, copains…) le travail effectué en cuisine par leurs soins et ainsi de donner une autre image d’eux, de restaurer leur confiance en eux, leur estime de soi. Malheureusement, un drame familial viendra interrompre cette expérimentation.
Plusieurs mois après, je suis contactée par un service d’insertion qui recherche un/une directeur pour gérer une entreprise d’insertion (travail agricole) en l’absence du responsable actuel pour raisons de santé (2x4 mois). J’hésite, pour enfin postuler et être embauchée. Cet emploi est riche de préceptes pour moi. En effet, je constate que le management d’équipe tant des professionnels que des ouvriers et le lien avec les partenaires sont mes points forts. Cependant, la gestion budgétaire et administrative me parait bien plus complexe et moins intéressante. Néanmoins l’accompagnement social et professionnel d’un public très vulnérable (très éloigné de l’emploi, ayant une voire deux RQTH (Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé), sorties de prison, conduites addictives…) reste un bon souvenir dans le développement du réseau sur le territoire et me permet d’approcher deux problématiques celles de la mobilité et de l’emploi des femmes.
Ayant retrouvé une certaine sérénité, je postule dans une MFR (Maison Familiale et Rurale) à plusieurs reprises jusqu’au jour où la directrice me propose un rendez-vous pour un éventuel remplacement d’une monitrice qui est en arrêt maladie, puis en congé maternité, sur la formation continue. Je deviens chargée de cours puis signe deux CDD et pour finir un CDI sur la formation DEAMP puis DEAES. Je choisis de travailler à temps partiel afin de garder quelques vacations à l’IRTS et au rectorat. Dans cette MFR, j’interviens sur les formations d’auxiliaires de gérontologie, d’Assistants De Vie Dépendance (ADVD), CAP AEPE (Assistant Educatif Petite Enfance) et DISAP (Dirigeant d’Intervention Sociale et de Service à la Personne).
Lors d’un rendez-vous avec un partenaire professionnel d’un service d’aide à domicile, je suis sollicitée pour faire une intervention auprès d’un groupe de professionnels débutants. La prestation est une réussite tant au niveau des stagiaires que des gestionnaires de l’association. Plusieurs anciens stagiaires me demandent si j’envisage de faire des accompagnements VAE. Alors commence à germer l’idée de créer ma micro entreprise…
Je peux mettre à profit mes expériences antérieures en conciliant théorie et pratique. Je suis à même de mener des formations comme les politiques sociales, la communication professionnelle, l’animation, les pathologies et handicaps, la communication spécialisée, les différents modes d’accompagnement…J’apprécie d’individualiser mes approches et de respecter le rythme d’apprentissage de chacun. En parallèle à cela, je me passionne pour l’analyse des pratiques qui pour moi est un outil incontournable afin de professionnaliser les professionnels et dans le but de promouvoir la bien-traitance. Je l’ai vécu à plusieurs reprises en tant que salariée et aujourd’hui mon parcours me permet de l’animer. Je vais faire de mon expérience un atout majeur.
Martine Jolly
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